Le triathlon n’est a priori pas un sport très compliqué. Au sein d’une même épreuve, enchaîner trois parcours (natation, vélo et course à pied) dans trois modes de locomotion différents est accessible à presque tout le monde. Il s’agit avant tout d’avoir confiance en ses possibilités. Pour ceux qui sont moins confiants dans leurs capacités à nager, à rouler et à courir, terminer un triathlon pourrait être l’occasion de se dépasser. La pratique sportive procure à chacun un domaine d’expression immense dans lequel il est parfois nécessaire de faire tomber des barrières, de repousser ses limites ! Le triathlon pour une personne qui doute de ses capacités à nager est un beau challenge personnel.
Par Frédéric Sultana (Ingénieur, Docteur ès Sciences du Mouvement Humain, Coach WTS, et Champion de France Master Triathlon LD 2008)
Le “savoir-nager” est un impératif pour pratiquer le triathlon puisque la natation est la première des disciplines. A minima, il est nécessaire de pouvoir parcourir la distance requise en toute sécurité. Cependant, les conditions environnementales peuvent être défavorables (eau froide, houle, courant, mauvaise visibilité, vent, nombre important de participants,…) et rendre donc la tâche plus difficile. Avant de se lancer dans une expérience ou une carrière sportive de triathlète, il convient de s’assurer que l’on sera capable de réaliser le premier parcours en natation. Toutefois, on n’est pas tenu de vouloir se disputer la tête de course au départ natation quand on débute.
La natation : un frein pour la pratique du triathlon ?
Beaucoup rebutent à se lancer dans le triathlon parce qu’ils ont peur de l’eau ou parce qu’ils ne sont pas bon nageur. Dans ce premier cas, il faut se contraindre à rester spectateur de l’activité ou à se tourner vers d’autres disciplines comme le duathlon. Dans le second cas, il s’agit d’une course à handicap qui consiste à rattraper le temps perdu à la sortie de l’eau. La victoire ou une bonne place au classement final deviennent hypothétiques pour les mauvais nageurs qui ne pourront rattraper leur retard qu’au prix d’un effort important ou qu’au bénéfice des circonstances de course. « Le temps perdu ne se rattrape jamais ». Point de salut, il faut devenir un nageur.
Commencer par aimer l’eau
En école de natation, la méthode pédagogique est essentiellement basée sur le plaisir de l’eau. Avant d’apprendre les nages codifiées, les enfants s’accoutument et jouent dans le milieu aquatique. Ce n’est qu’après l’accoutumance et le plaisir de l’eau que les apprentissages se mettront en place progressivement. Si cette notion de plaisir est incontournable chez les enfants, elle doit l’être aussi chez l’adulte. Il faut être à l’aise dans l’élément liquide pour apprendre à nager et améliorer ses performances.
Vaincre sa peur de l’eau : c’est possible
La peur de l’eau n’est pas rare. Selon les statistiques, environ 15% de la population seraient concernés par cette phobie sous différentes formes, comme la peur de mettre la tête sous l’eau ou la peur des grandes profondeurs. Or, la peur ne se raisonne pas. Vaincre ses émotions nécessite une volonté suffisante pour se faire violence et maitriser sa peur. Pour agir contre nature, il est parfois utile de se faire aider : un maître nageur vous rassurera, une démarche en groupe vous permettra de mettre en place une synergie commune et rassurante. A tous les coups (ou quasiment), on réussit.
Et apprendre à l’aimer
C’est parce que les activités aquatiques deviennent agréables et sources de plaisir que l’on partage la joie des enfants sur les plages. Il faut alors être patient et multiplier les expériences aquatiques en prenant soin de garantir sa sécurité et des conditions ludiques de pratiques. N’oublions pas que le milieu aquatique est dangereux et qu’une mauvaise expérience peut vite réduire à néant tous les efforts d’accoutumance à ce milieu fascinant. Apprendre à aimer l’eau peut donc consister à découvrir et à s’initier à de multiples activités comme la plongée, le surf, la voile, le water-polo, le plongeon, la natation synchronisée, le sauvetage aquatique, la chasse sous marine, l’apnée, … Les domaines à découvrir sont vastes. Patience et prudence sont nécesaires pour que toutes les opportunités de pratiques soient positives. Il est important de se trouver dans un cadre rassurant. Par exemple, il est préférable de vivre un baptême de plongée dans une structure adaptée, un cadre agréable et de bonnes conditions de visibilité et de météo.
Les piscines avec une fréquentation élevée, beaucoup de bruit et d’éclaboussures ne sont pas forcément les endroits rêvés pour se détendre. La température de l’eau a également son importance, il est nettement plus facile d’aborder tranquillement cette activité si l’eau est suffisamment chauffée (au moins 29 degrés).
Joindre l’utile à l’agréable
Si la natation est envisagée avec l’objectif de la découverte et de la pratique du triathlon, vous pouvez commencer par vous initier aux plaisirs de l’eau par des activités en plein développement comme l’aqua palmes, l’aqua gym, l’aqua jogging ou l’aqua bike. On pourra ainsi rechercher l’accoutumance au milieu aquatique mais aussi un entrainement général et spécifique pour les autres disciplines du triathlon. D’ailleurs, les bénéfices de ces activités sont bien connus des pratiquants expérimentés qui n’hésitent pas à les intégrer dans leur planification en complément de la préparation physique générale, en période hivernale où la météo ne permet pas de rouler ou courir en extérieur, en récupération ou en rééducation en cas de blessure. Seul bémol, il faut attendre les beaux jours et l’ouverture des bassins extérieurs pour pratiquer ces activités en plein air. Pour les inconditionnels des activités en nature, vous pouvez tester le canyoning, le stand up paddle, le kayak en rivière ou de mer. Bref, il n’y a pas de raison de ne pas se mettre à l’eau. Le plaisir du bain est indispensable avant d’envisager de pratiquer la natation comme un sport.
Après « flotter en apnée », il s’agit de « se déplacer en respirant »
Dans la phase d’accoutumance au milieu aquatique, les premiers contacts sont souvent en apnée. On apprend à flotter avec la tête dans l’eau. Respirer alors n’est pas quelque chose de naturel. La problématique de la respiration apparait dès que l’on veut se déplacer. La mécanique respiratoire n’est pas facile à mettre en place. La respiration est d’autant plus difficile que le mouvement de la tête nécessaire à la prise d’air influent sur la nage en induisant à la fois un déséquilibre et une interaction avec les mouvements propulsifs des membres. Alors, il n’y a pas d’autre solution que d’apprendre à nager, et il n’y a pas d’âge pour cela.
Capacité d’apprentissage ne diminue pas avec l’âge
On entend souvent : « c’est trop tard, je suis trop vieux pour apprendre à nager ou améliorer ma technique de nage ». Il n’est pas rare d’observer des personnes âgées qui entreprennent avec succès d’apprendre à nager. La capacité d’apprentissage moteur reste préserver avec l’âge. Cependant, un adulte est souvent beaucoup moins patient qu’un enfant. Il veut comprendre les exercices et les réaliser avec succès du premier coup ! Or apprendre à nager c’est comme apprendre à jouer d’un instrument de musique : il faut faire des exercices et les répéter même si on est pressé et que le temps manque. Les techniques de nage sont codifiées. L’apprentissage de la natation nécessite rigueur, travail et patience qui sont les clés de la réussite. Il n’y a pas de secret miracle : enfants, adultes et séniors la recette est la même, enfin presque.
Prendre son temps
Pour devenir un nageur et graver ces nouvelles sensations dans sa mémoire, il est indispensable de se donner du temps. Les principales étapes sont :
o Prendre plaisir à se baigner et à s’immerger
o Ressentir que l’on peut flotter en étant détendu
o Nager en maitrisant sa respiration
o Ressentir ses appuis pour se déplacer
o Apprendre les quatre nages
Paradoxalement, c’est en prenant son temps que l’on en gagne. De nombreux échecs sont dus à un apprentissage technique dans la hâte.
Les bases de l’entraînement en natation : travailler sa technique et se faire aider par un maître-nageur
La performance en endurance est corrélée avec la capacité aérobie maximale de l’individu (VO2max). Cependant en natation, la capacité de l’individu à transformer sa puissance musculaire en vitesse de nage est un autre facteur important. En effet, la performance en natation est liée au coût énergétique du nageur qui est fortement influencé par sa technique de nage et sa morphologie. Si la dépense énergétique en natation dépend de la taille du corps et de sa flottabilité, c’est surtout l’efficacité de l’application de la force contre l’eau qui est le principal facteur déterminant du coût énergétique du déplacement. La performance en natation est davantage limitée par l’habileté technique que par la valeur de VO2max. Quel que soit le niveau de pratique, l’entraînement en natation consistera donc tant à travailler sa technique de nage qu’à générer une puissance propulsive (essentiellement avec les bras pour le crawl).
Devenir un nageur d’eau libre et se préparer aux transitions
Les meilleurs nageurs en piscine ne sont pas toujours ceux qui sortent de l’eau les premiers. Les triathlons se déroulent généralement dans un cadre extérieur où l’épreuve de natation est organisée sur un plan d’eau, en rivière ou en mer. A la belle saison, les séances dans une base nautique ou en mer seront le bienvenu. L’idéal est de disposer d’une plage et de parcours balisés. L’entraînement au départ ou aux transitions est essentiel. Par exemple lors de la transition natation – vélo, le triathlète qui passe de la position allongée à la position debout peut se sentir déséquilibré.
Par ailleurs, le port de la combinaison est obligatoire lorsque la température est trop froide. Il faut s’y préparer d’autant qu’elle procure un gain de flottabilité. Grâce au port de la combinaison, les triathlètes conservent aussi une position plus horizontale.
Conclusion
Avant de se lancer dans le triathlon, il faut mesurer l’impact de son choix. La principale difficulté au début sera d’ordre organisationnel : trouver une piscine pas très loin de la maison ou du travail, trouver des créneaux d’entraînements compatibles avec l’emploi du temps familial et professionnel. Il faudra ensuite bien doser sa charge d’entraînement en fonction de son potentiel d’entraînement et de ses capacités de récupération. Lors de votre première expérience en compétition, il faudra avoir des ambitions de performance réalistes et mesurées ; et s’y prendre à l’avance surtout si l’on a des lacunes en natation.
Exemples de séances pour préparer son premier triathlon et se familiariser avec le milieu aquatique
Ces exemples de séances aux débutants qui savent déjà nager. Par soucis de simplification, tous les entraînements débuteront par le même échauffement et termineront par une même récupération.
Echauffement « type » :
– 400 m décomposé de la manière suivante 4*(75m en crawl ou brasse + 25m en dos crawlé)
– 100 m en jambes avec une planche
Récupération « type » :
– 50 m souple en dos à deux bras
– 50 m crawl ou brasse très souple
– Quelques expirations complètes sous l’eau. On s’immerge et on fait des bulles jusqu’à ce que les poumons soient « vidés ».
Objectifs | Exercices proposés | |
Séance 1 | Vérifier capacité à réaliser la distance en piscine
S’organiser pour les séances suivantes |
Après l’échauffement «type», réaliser des longueurs pendant 30′ en réduisant au maximum le temps de récup’ entre chaque longueur.
Comptabiliser la distance parcourue. Effectuer la récup’ «type». S’organiser pour les prochaines séances. |
Séance 2 | Améliorer son aisance aquatique
Développer son endurance |
Echauffement « type »
6*50 m avec un plongeon canard (ou une immersion) au milieu de chaque longueur. 50 m souple en récup’ (expiration la plus complète possible) 6*50 m avec un passage sur le dos au milieu de chaque longueur 50 m souple en récup’ (expiration la plus complète possible) 200 m non stop Récupération « type » |
Séance 3 | Développer son endurance
Essayer l’aqua-jogging |
Echauffement « type »
5*100 m. Les 100 m sont nagés sans arrêt. Récup’ entre chaque 100m 15’’. 5*1 minute d’aqua-jogging (flottabilité assurée par une ceinture avec flotteur ou frite). On reproduit la gestuelle de la course à pied dans l’eau. – 1 minute foulée ample, – 1 minute de talon-fesse, – 1 minute de foulée rapide, – 1 minute de montée de genoux, – 1 minute de foulée normale. 300 m non stop Récupération « type » |
Séance 4 | Développer son endurance
Essayer l’aqua-bike |
Echauffement « type »
5*150m. Les 100m sont nagés sans arrêt. Récup’ entre chaque 100m 15’’. 400m non stop Récupération « type » Enchainer sur une séance d’aqua-bike (si possible) |
Séance 5 | Développer son endurance et sa vitesse | Echauffement « type »
6*50 m (les 10 premiers mètres très vite) 50 m souple en récup’ (expiration la plus complète possible) 6*50 m (les 10 derniers mètres très vite) 50 m souple en récup’ (expiration la plus complète possible) 500 m non stop Récupération « type » |
Séance 6 en mer ou lac * | Développer son endurance et sa vitesse
S’habituer à l’orientation Essayer son matériel |
Echauffement « type »
Prendre le temps de régler ses lunettes et d’ajuster son matériel Nager 10′ avec un passage sur le dos toutes les minutes et en essayant de suivre une trajectoire rectiligne Récup’ sur le bord pendant 2′ Nager 10′ en alternant 30’’ vite – 30’’ au train et en essayant de suivre une trajectoire rectiligne Récupération « type » |
Séance 7 en mer ou lac * | Développer son endurance et sa vitesse
S’habituer à l’orientation, à l’entrée et à la sortie de l’eau, à la transition |
Echauffement « type »
Prendre le temps de régler ses lunettes et d’ajuster son matériel A effectuer 3 ou 4 fois : Entre chaque réalisation, récupérer 2′ mini en remettant sa combinaison. Récupération « type » |
Séance 8 en mer ou lac * | Simulation de parcours de natation en compétition.
Le WE avant l’épreuve. |
Réaliser un parcours d’au moins 750 m en simulant la course. Ce parcours doit comprendre : une entrée dans l’eau rapide, une première minute de mise en action rapide, la réalisation d’un circuit en s’orientant «au train» et enfin, une sortie de l’eau avec un déshabillage (de la tenue de natation) et un habillage (en tenue de cycliste).
Pas de récup’ spécifique puisque l’on essayera d’enchaîner sur un parcours à vélo. |
(*) Choisir un plan d’eau où la baignade est autorisée et surveillée.
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Pour aller plus loin
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4 COMMENTS
J’ai commencé le crawl à l’âge de 57 ans ! J’ai mis un an avant de faire une longueur de bassin mais je me suis accroché tant et plus !
J’ai maintenant 66 ans et j’ai une volée de triathlons derrière moi et … je continue …
J’adore m’entraîner et je continue à progresser …
Ne vous découragé pas et ne pensez jamais à votre âge ! C’est seulement un chiffre qu’il faut évidemment respecter mais il ne doit pas être un frein …
Bon courage et surtout bon amusement …
Bravo et merci Jice pour votre témoignage qui doit motiver tous ceux d’entre-nous!
Continuez à vous faire plaisir, et oui vous avez bien raison, oublions nos âges !
Bonne continuation.
Amicalement,
E.L.
Pour les gens qui ne cherchent pas les performances ni les classements, j’ai appris qu’on pouvait aussi nager la brasse et nager sur le dos 🙂 bon à savoir pour les gens dont l’essentiel pour eux c’est le plaisir de participer, pas de faire du chrono.
Oui bien sûr !